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Les faux artistes, les artistes pirates et les artistes démotivés
Marc-André Laporte comment 3 Comments

C’est le Far West dans le monde du streaming.

Cette semaine, une vieille histoire relancait le débat sur Spotify. On l’accuse de créer de faux artistes afin de ne pas payer les redevances aux artistes. Spotify a nié. Tim Ingham chez Music Business Worldwide a répliqué. La conversation se poursuit sur le sujet depuis , et .

Dans un monde où la production a été démocratisée et où la distribution se fait de façon numérique, nous combattons tous le même ennemie: la saturation. Les artistes cherchent à se faire entendre au travers des options disponibles et les consommateurs se retrouvent devant un trop grand choix. Détrompez-vous, plus l’offre est large, moins le consommateur est satisfait.

C’est encore difficile de savoir qui gagne et qui perd au jeu du streaming. D’un côté, il y a beaucoup de pollution, de l’autre, on a sous-estimé la demande de contenu personnalisé et on s’attend à être payé pour les prix d’une poule lorsque nous en sommes encore aux oeufs.

Parlons des cowboys du contenu.

Les faux artistes

Spotify se fait reprocher de créer de faux artistes afin de les intégrer à ses playlists. C’est important, car l’entreprise mentionne les playlists comme étant le futur de la musique. On leur reproche de créer de faux artiste afin de ne pas payer les vrais artistes et d’encaisser l’argent. D’après cet artiste de Music Business Worldwide qui révèle les 50 faux artistes, l’entreprise volerait 3 000 000$ en redevances. C’est un bien petit montant pour une si grosse arnaque. Il nous manque des éléments.

Dans plusieurs articles, on présente les faux artistes comme des « voleurs de redevances aux vrais artistes ». Et si on voyait tout ça d’un autre oeil. Ce n’est qu’une question de temps avant que les plateformes numériques se lancent dans la création de contenu. Netflix, Apple et Amazon s’y sont lancés après quelques années. House of Cards est le résultat d’une étude menée par Netflix où les goûts et les habitudes des abonnés étaient scrutés à la loupe. En 2013, Jonathan Friesland, chef des communications chez Netflix disait: « Because we have a direct relationship with consumers, we know what people like to watch and that helps us understand how big the interest is going to be for a given show. It gave us some confidence that we could find an audience for a show like ‘House of Cards. » L’entreprise comptait alors 33 millions d’abonnés. Depuis mars, Spotify compte 50 millions d’abonnés payants et cherche toujours à devenir profitable. Est-ce qu’on assiste à la première phase d’une stratégie de création de contenu in house? Logique.

Les artistes pirates

Quelques artistes profitent de cette période Far West et utilisent les failles du système afin de se garnir le portefeuille. Sur une plateforme avec plus de 100 millions d’abonnés actifs chaque jour, il est possible de déjouer les règles du jeu.

Quelques tactiques

En 2014 le quatuor avant-gardiste Vulfpeck était dans les premiers à déjouer Spotify avec leur album Sleepify. Un album sans son. Un album de silence. Un album énormément médiatisé. Un album qui a acumulé plus 4 millions d’écoutes avant de se faire retirer. Un album qui a rapporté 20 000$ aux « auteurs ».

La chanson « Bitch, Sit Down Be Humble » de l’artiste King Stitch est une correct reprise du l’excellente chanson de Kendrick Lamar. En s’adressant aux abonnés qui utilisent le moteur de recherche de Spotify, écrivant quelque chose qui pourrait être le titre de la chanson, il compte aujourd’hui plus de 300 000 écoutes en ce moment.

The Birthday Crew est un regroupement d’artistes au nom pas très subtile. Leur catalogue consiste à des centaines de versions personnalisées de, vous l’aurez deviné, Happy Birthday. Résultat: « Happy Birthday Matthew » compte plus de 400 écoutes. Additionnez à ça tous les autres noms possibles.

D’après Matt Farley, si les redevances sont petites, la meilleure stratégie est la quantité. Il écrit et compose donc beaucoup. Il serait rendu à 18 500 chansons. Peut-être seriez-vous intéressé par l’album Pennsylvania Songs: PA Existing? Un album de 93 chansons sur la Pennsylvanie.

Sir Juan Mutant est productif. Il a composé 65 albums, la plupart avec 50 chansons. Par contre il suffit d’une écoute pour comprendre que ses albums regroupent très souvent, la même pièce, mais avec un titre différent. Sur son album Cash The System, les chansons un, dix, onze et dix-sept sont identiques.

Les artistes démotivés

Jasons. « Ma chanson a joué plus de 168 millions de fois et j’ai reçu qu’un chèque de 4 000$… » À force d’entendre des histoires comme celle-ci, il est facile de perdre la motivation. Par contre ce qu’on oublie souvent de mentionné c’est que les redevances sont divisées par le nombre d’auteurs. Donc si vous avez écrit la chanson à six, la tarte est coupée en six. Aussi, Pandora rémunère beaucoup moins que Spotify. Les histoires d’horreurs partaient souvent de cette plateforme.

Les gens ont toujours sacrifié la qualité pour la commodité. La cassette rendait la musique portable. Le CD permettait de ne pas avoir à retourner la cassette à la fin d’une face. iTunes était plus commode que Napster. Souvent de meilleure qualité, avec une garantie que le fichier désiré était celui qu’on allait retrouver sur notre ordinateur. Et maintenant Spotify prend la place d’iTunes. Plus besoin de posséder de la musique, des suggestions en temps réel, etc. Beaucoup plus commode.

Les boomers contrôlent l’industrie de la musique et les milléniaux contrôlent l’industrie de la technologie. Les milléniaux accordent une énorme valeur à l’expérience. Les admirateurs ne vont probablement plus payer pour la musique enregistrée, mais ils continueront de vous payer pour créer. L’album est une introduction. Ce n’est plus la fin d’un projet. Le début du projet doit absolument se retrouver en ligne, là où vos admirateurs sont. Il deviendra payant à long terme à condition d’utiliser cette porte d’entrée pour diriger le fan vers un endroit lucratif. L’artiste démotivé garde la porte fermée en ne mettant pas sa musique sur les plateformes de streaming ou bien il ouvre sa porte à une pièce vide. Dommage.

Saute sur ton cheval cowboy!

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  1. Très intéressant article. Je comprends mieux certaines choses sur les sites de streaming, tandis que d’autres aspects que je soupçonnais me sont confirmés.

  2. Je cite l’analyse : « Les admirateurs ne vont probablement plus payer pour la musique enregistrée, mais ils continueront de vous payer pour créer. »

    Le problème c’est que l’on assiste exactement à l’inverse : les gens payent pour de la musique enregistrée, de plus en plus, d’où le nombre croissant d’utilisateurs sur Spotify.

    Par contre au lieu de revenir aux créateurs (ce qui est censé avoir lieu avec le système des royalties) et alimenter la création, on constate que cet argent sert essentiellement à couvrir les pertes de Spotify, donc éponger les factures auprès de ses principaux fournisseurs que sont les trois majors du disque.

    Tout le monde sait trés bien que le problème #1 de Spotify est son absence de transparence, et avec une histoire de ce genre le problème ne fait qu’empirer. La prouesse technique qu’est le streaming est inconstestable mais il ne faut pas tout confondre.

    Le business modèle de Spotify qui tourne à perte depuis plusieurs années en asséchant les ressources des créateurs et en détruisant le peu de confiance que les artistes pouvait encore avoir dans les majors est une blague d’inefficacité qui ne survit que par un fantasme capitaliste qui ne trouvera pas prise sur le monde immatériel de la création culturelle.
    Ce fantasme capitaliste c’est que toute la musique passe par Spotify pour que l’entreprise puisse enfin monter les prix et enfin devenir rentable. C’est le fonctionnement banal de toute entreprise capitaliste mondialisée. Et ca repose sur l’idée d’un contrôle monopolistique des moyens de production et de distribution.
    Sans ca, aucune possibilité pour que Spotify ne relève le prix de l’inscription, aucune raison qu’elle ne devienne rentable.

    Seulement, bon courage pour avoir le contrôle de la production et de la distribution de quelques chose d’aussi immatériel que la musique à l’époque du numérique…

    Il suffit de regarder la manière dont distribuent les artistes les plus bankables pour voir qu’ils narguent Spotify en lui refusant cette exclusivité (se faisant ainsi bien plus d’argent qui si ils avaient distribués leurs morceaux sur Spotify) et il n’y a aucune raison que cela change.