J’habite Montréal où il n’est pas rare de manger un burger à la table à côté des membres du groupe au Sparrow. C’est peut-être dû à cette proximité, j’ai l’impression qu’ici dans la ville adoptive du groupe, on vit depuis quelques semaines le buzz médiatique de façon beaucoup plus intense que dans le reste du monde. Si vous trouvez la petite Brooklyn excitée, mon Montréal est en feu!
Depuis la première affiche aperçue dans Soho, la machine à rumeurs du petit village s’est activée et l’équipe marketing derrière le groupe a tenu une stratégie efficace où les petits filets d’informations se transformaient en tempête de questions et de suppositions par les fans et les moins fans. En quelques semaines, plusieurs personnes ont souffert d’une overdose 2.0.
Personne n’avait entendu l’album que plusieurs avaient l’impression d’en avoir vu assez. (Sauf moi bien entendu.)
L’image. Voir Arcade Fire. Pour cette stratégie musicale, tout passe par l’image. À se demander si on ne lui donnait pas une signification plus forte que la musique.
Le contrôle de l’image
La campagne débute avec un logo Reflektor (la suite logique aux Identiks) vers la fin de l’été afin de préparer la table et de réchauffer la machine à rumeur.
On confirme quelques semaines plus tard, le lien entre le groupe et Reflektor en annonçant un événement le 9 septembre à 21h à l’aide d’affiches grandioses disposées à des endroits stratégiques (des endroits où les passants branchés sont sujets à partager l’information).
Début septembre, l’image d’un disque vinyle de Reflektor fait son apparition en ligne où l’on semble proposer un long jeu de 14 chansons plutôt qu’un simple. Je ne serais pas surpris que l’équipe ait fait couler cette info afin de continuer la lancée sur laquelle elle était: faire jaser par l’image!
Malheureusement, une version de la chanson se retrouve en ligne le 6 septembre. Premier contact auditif avec le nouveau projet du groupe. On comprend alors que le long jeu est un canular et on confirme l’apparition de David Bowie. Ce n’était pas prévu dans la stratégie.
Même si on annonçait le coup d’éclat pour 21h, Arcade Fire a pris soin de surprendre en sortant non pas une, mais deux vidéos pour la pièce quelques heures avant la soirée. Ce qui confirme que dans le plan, on tenait fortement à ne pas laisser vivre la musique sans qu’une image y soit associée.
L’annonce d’un spectacle surprise le soir même à la Salsathèque est aussi un chapitre important de la stratégie. Environ 300 personnes déguisées longent le trottoir pendant de longues heures. L’image est forte. Le lendemain, les chanceux qui ont assisté au spectacle cherchent les mots pour décrire la musique, mais arrive très bien à décrire l’ambiance, les déguisements et la décoration de la salle. Les critiques sont généreuses, comme le groupe qui offre trois soirs de spectacles aux Montréalais.
On apprend quelques semaines plus tard que le spectacle généreux c’est un build up pour une émission spéciale diffusée après le premier SNL de la saison. On nous ouvre finalement les portes de la Salsathèque. Même si on constate très bien que les prestations n’ont pas été enregistrées devant les 300 personnes chanceuses. L’expérience visuelle ultime, c’est le spectacle secret qui nous est finalement révélé.
La semaine dernière, l’album du groupe se retrouve malheureusement sur Internet. L’équipe était prête et attendait ce moment pour mettre en ligne l’album complet sous forme de vidéo vide où des images fortes servaient de support visuel aux 13 chansons. Encore ici, on ne laisse pas de musique sans visuel.
Nous sommes dans une période où la vente d’album est difficile même pour un groupe de cette envergure. On mise sur les spectacles, sur l’expérience, sur la rareté. Ici le groupe s’est donné le défi de vendre des billets et ils vont en vendre une tonne. Simplement parce que les gens ne vont pas acheter des billets pour aller voir Arcade Fire sur scène, ils vont acheter des billets pour un carnaval avec Arcade Fire. La plus-value est ÉNORME. Attendez-vous à ce que le prix d’entrée d’un carnaval soit plus élevé que celui d’un spectacle.
Marketing is all about fun. Vous en avez peut-être trop vu d’Arcade Fire dans les dernières semaines, mais plusieurs d’entre vous irez danser déguiser si vous en avez la chance. Image, histoire, rareté, partage et bien sur, de la bonne musique.
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